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Etxahun

    (1786-1862)

 

Comme il était coutume à l'époque, c'est par le nom de la maison qui l'a vu naître que le grand poète souletin Piarres Topet fût connu. Né au sein d'une famille aisée et amoureux d'une paysanne pauvre, il fut obligé à épouser une riche héritière qui le trompait. Aveuglé par la jalousie, il essaye de se venger, mais dans une erreur fatale il tue un ami à lui. Il est emprisonné, condamné, puis forcé à l'exile. De Compostelle à Rome, il mène une vie de pèlerin mendiant. Revenu au pays mais déshérité, il chanta ses malheurs dans les montagnes de Zuberoa (La Soule). Ses poèmes, autobiographiques et satiriques, grossiers quant au langage, sont toujours originaux et expressifs. Vers la fin de sa vie, une fois son épouse décédée, il fut à nouveau admis chez lui. Etxahun était alors connu dans tout le pays, et il était très sollicité pour chanter aux fêtes et aux commémorations. Outre que chanter, sa tâche la plus aimée était d'apprendre à lire et à écrire aux enfants. Il laissa nombreux manuscrits de ses poèmes, que la famille brûla. Ce qui nous est parvenu de lui l'a été par transcriptions faites à son époque et par transmission orale.

 

LA CHANSON DES METIERS

        Etxahun , siècle XIX

 

 

Ah, pauvre paysan,

Toi-même tu manges du pain de maïs.

Tu récoltes du blé et du vin; c'est pour gorger les fainéants.

Pourtant ils t'aiment comme les bergers aiment le loup.

 

Le berger, quand il se fait habiller,

recommande aux tailleurs

de faire l'un des côtés des culottes en étoffe plus forte.

Pourtant il l'usera plus tôt que le devant.

 

La couturière apparaît tard

et le soir s'en retourne de bonne heure.

Elle bêche les gens, dans l'intervalle, d'une manière abusive.

Elle est loin de gagner ce qu'elle mange.

 

Aujourd'hui toutes les fileuses

préfèrent ne pas être nourries chez le client.

Pour faire apparaître beaucoup de travail tout le fil est en cou d'oiseau.

Si vous le dévidez, il y a quatre noeuds à l'empan.

 

Le tisserand demande du fil,

bien qu'il en ait à profusion.

Comme il a l'intention de voler les fils de reste, il laisse l'étoffe sans l'arrêter

pour dire au fournisseur qu'il avait des fils de mauvaise qualité.

 

Que le maçon est adroit!

Il a de l'imagination.

Après avoir mal tait le azur il en bouche les crevasses avec de la boue.

Quand la maison s'est effondrée c'est la faute des mauvaises pierres.

 

Les menuisiers et charpentiers,

ah! les piètres ouvriers.

Tout est mal fait et c'est le bois qui a les défauts.

La matière était pleine de noeuds ou la veinure tordue.

 

Le sabotier

vole les matériaux.

Il vend douze sous pièce ce qui en vaut sept.

Il dépense à l'auberge ce qu'il gagne et chez lui sa famille a faim.

 

Un vigneron veut trouver des défauts

à un autre vigneron.

Chacun trouve meilleure sa façon de tailler.

Celui qui voudra se trouver sans vigne n'a qu'à changer souvent de vigneron.

 

Ah, honnête aubergiste

si la grenouille n'était juge.

Si l'on prenait les poissons comme témoins, ils le condamneraient

En disant qu'il nous vend leur demeure légitime.

 

Un maître d'école, à sa mort,

ne laisse pas de procès,

car il place ses biens dans de bonnes conditions;

après les avoir contrôlés dans son gosier, il les hypothèque dans sa panse.

 

Messieurs les curés

exhortent à faire la charité.

Eux, par contre, ils ne disent pas une parole sans se faire payer!

Les pauvres du pays ont faim et leurs pièces d'or, à eux, se rouillent.

 

Les cardeurs s'enrichissent;

ils perdent aussi bien leur âme.

Qu'est-ce qu'ils ne volent pas sur le poids et dans leurs comptes?

Avec eux il faudra que Dieu ait du loisir.

 

Les marchands ambulants, qui n'ont rien sur les épaules,

vont de porte en porte.

Leur marchandise ordinaire ce sont des épingles et des cordons.

Ce qu'ils ont volé dans la semaine aux femmes, ils le jouent ensuite le dimanche.

 

Les garde forestiers et les douaniers

sont des hommes qui ont une conscience.

Si on leur bourre les poches, ils quitteront leurs postes;

ils feront prendre tout de même par leurs camarades les pauvres diables crédules.

 

La charrue des huissiers

ce sont les gens qui se conduisent de travers.

Avec leurs affaires, ils font fortune.

Ceux qui les écoutent seront facilement ruinés.

 

Les huissiers et les notaires,

ah! quels coquins nécessaires!

Leur langage obscur et mensonger embrouille les petites choses.

Il n'y a pas d'aides meilleurs pour vider rapidement les maisons.

 

Les forgerons d'aujourd'hui

sont tous de beaux hommes.

S'ils n'avaient pas été dressés à l'école des anciens.

Après avoir mis peu d'acier ils se vantent beaucoup.

 

Musicien d'aujourd'hui

tu es souvent assoiffé.

Pour jouer de la musique il faut qu'on te commande de temps en temps.

Par contre, pour te saisir du verre, ta main est toujours prête.

 

Que le danseur est léger!

Tu n'as certes pas mal à la tête.

Comme il va adroitement d'un côté et de l'autre.

Et cependant tu es heureux car ton travail est terminé.

 

 

Traduction: Jean Haritschelhar

Version originale": OFIZIALENAK

 

© Etxahun    

© Traduction: Jean Haritschelhar    

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